• - Absence de formation des stagiaires : le Conseil d'Etat donne raison au SNES

     Le SNES, syndicat FSU des collèges-lycées, avait porté devant le Conseil d'Etat un recours contre l'absence de formation des stagiaires et la "masterisation". Si, comme prévu, le recours ne nous a pas permis de gagner sur tous les points, nous avons au moins obtenu que l'absence de formation des stagiaires soit considéré comme non légal.

    Notre combat consiste maintenant à obtenir le rétablissement de l'ancienne formule : 6 à 10 heures de cours devant élève, le reste en formation continue sur l'année, avec validation du stage par le tuteur et les formateurs IUFM.


    Voici l'article publié par AEF.

     

    Masterisation : annulation des modalités de formation par le Conseil d'État (analyse)

     

    Par un arrêt en date du 28 novembre 2011 (n° 341775), le Conseil d'État vient de statuer sur plusieurs arrêtés ministériels du 12 mai 2010 relatifs la formation des maîtres, consécutifs à la « masterisation » (AEF n°158864). Il est conduit à annuler une partie des dispositions qui lui sont soumises pour des raisons d'incompétence du ministre à revenir seul sur les modalités de formation des maîtres telles qu'elles étaient organisées antérieurement au sein des IUFM. Le principal intérêt de cet arrêt est de convier le ministère de l'Éducation nationale et les organisations syndicales à examiner de concert les conséquences de cette annulation, de façon à fixer sa date d'effet (AEF n°158916 et AEF n°158956). Bernard Toulemonde, juriste et Igen honoraire, livre ses commentaires à l'AEF.

    Jusqu'à présent, la réforme des modalités de recrutement et de formation des maîtres, dite de « mastérisation », réalisée par les décrets du 28 juillet 2009, s'est poursuivie sans que les nombreux recours déposés par des organisations syndicales ou des associations à l'occasion de sa mise en place ne parviennent à l'entraver. On se souvient notamment que le Conseil d'État avait rejeté les recours contre la circulaire du 25 février 2010 de « cadrage » du dispositif d'accueil, d'accompagnement et de formation des enseignants stagiaires (AEF n°145984). Cette fois, les mêmes organisations obtiennent l'annulation d'une partie essentielle du dispositif, celle qui réduisait les modalités de formation en IUFM et qui résultait de certaines dispositions d'une série d'arrêtés du ministre de l'Éducation nationale du 12 mai 2010.

    Le raisonnement du Conseil d'État se fonde sur deux types de texte :
    - d'une part les dispositions du code de l'éducation, datant de la loi de 2005 et non modifiées, qui confient la formation des maîtres aux IUFM dans le cadre d'un cahier des charges fixé par arrêté des deux ministres de l'éducation et de l'enseignement supérieur (art. L.625-1 et L.721-1) ;
    - d'autre part les dispositions du décret du 28 juillet 2009 qui donnent compétence au ministre de l'Éducation nationale pour définir les modalités du stage effectué par les enseignants stagiaires et les conditions de son évaluation.

    En conséquence, le Conseil d'État rejette les recours contre l'arrêté fixant les modalités d'évaluation et de titularisation des enseignants, des CPE et des documentalistes stagiaires- qui relèvent du ministre en vertu du décret de 2009 sans qu'aucune consultation du Cneser ou de Haut conseil de l'éducation soit nécessaire ; il fait de même pour les dispositions de même nature appliquées aux agrégés stagiaires.

    Il rejette également les recours contre l'arrêté définissant les compétences à acquérir par les professeurs, CPE et documentalistes stagiaires : le ministre tient aussi du décret de 2009, ajoute le Conseil d'État, le droit de définir les compétences que doivent avoir acquis les stagiaires en vue de leur titularisation. Par conséquent, il pouvait dresser seul une nouvelle liste des « dix compétences professionnelles », annexée à l'arrêté attaqué, qui se substituent à celles figurant dans l'arrêté du 19 décembre 2006 (art.5) portant cahier des charges de la formation des maîtres en IUFM et dans son annexe (3° partie).

    En revanche, le Conseil d'État décèle dans ces arrêtés des décisions qui dépassent la compétence du seul ministre de l'Éducation nationale. Tel est le cas de toutes les dispositions qui concernent les formations dispensées dans les IUFM, qui, conformément à la loi (art. L.625-1), doivent être édictées par arrêtés des deux ministres, de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur. Le ministre était donc incompétent pour abroger seul les dispositions relatives au contenu des formations organisées par les IUFM pour les professeurs agrégés stagiaires (arrêté du 2 juillet 1991) et, surtout, sous réserve des compétences à acquérir (art.5), le cahier des charges des IUFM promulgué par l'arrêté du 19 décembre 2006. Ce cahier des charges définissait, avant la « masterisation », les modalités et l'étendue dans le temps de la formation initiale, les types de stage et leur durée, etc. Une telle annulation pose un problème quant à ses conséquences juridiques.

    En effet, lorsque le juge administratif annule un texte, celui-ci disparait de l'ordre juridique, et même de façon rétroactive, « ab initio ». En l'occurrence, la décision du Conseil d'État devrait donc conduire à revenir à la formation des stagiaires telle que prévue dans le cahier des charges de 2006, sauf pour le ministère de l'Éducation nationale à prendre rapidement de nouveaux textes, règlementaires et peut-être législatifs, et après les consultations d'usage. C'est pourquoi le Conseil d'État se saisit ici d'une possibilité qu'il s'est ouverte depuis quelques années, de fixer la date d'effet d'une annulation, pour en limiter les inconvénients. En l'espèce, il procède même de façon inaccoutumée : il sursoit à statuer sur ce point en engageant, comme le lui suggérait semble-t-il les services du ministère de l'Éducation nationale, les parties à débattre des effets de l'annulation et de la question de savoir s'il y a lieu de limiter dans le temps les effets des annulations prononcées, suite à quoi le Conseil prendra une décision.

    Une façon originale pour le juge de renouer le dialogue, souvent difficile, entre les syndicats et le ministre de l'Éducation nationale !